Yu Blogue

Nos dernières réflexions

19
Jan 2012

Facebook: plus qu’un réseau social, un outil de design collaboratif?

Facebook: plus qu’un réseau social, un outil de design collaboratif?

Facebook comme média social pour partager des photos, des liens, ses connaissances, ses expériences, ses opinions, réflexions, textes, statuts, évènements…ou comme outil promotionnel de sponsor avec récompenses à l’appui, comme outil d’appartenance à des micro-communautés (groupe de musique, associations, mouvements, “fan de”)…ou encore comme outil ludique de compétitions/quiz et autres gadgets…ça, on connaît. Mais Facebook comme outil ethnographique en ligne permettant de comprendre, dans une certaine mesure, comment des utilisateurs évoluent dans un cadre donné, ça, on connaît moins.

Plusieurs articles mentionnent les réseaux sociaux comme d’incroyables mannes d’informations pour concevoir des produits plus adaptés aux utilisateurs.

Robert V. Kozinets (2010) a mis de l’avant le concept de “Netnographie”[1] et énonce l’idée que pour mieux comprendre la Société, il serait bon de regarder les activités et les échanges des utilisateurs sur Internet, notamment sur les réseaux sociaux.

Johan Fuller & al. [2] décrivent la façon dont les communautés virtuelles peuvent être une source d’innovation et de savoir-faire à différents stades de la conception d’un produit. Ce design collaboratif impliquerait des membres de communauté en ligne triés sur le volet que l’on choisit et avec qui on collabore sur une base régulière et via une technologie de partage.

Alors en quoi et comment Facebook peut-il être une précieuse source d’informations pour comprendre certains comportements et éventuellement être une aide à la conception?

Facebook comme grand journal de bord
La participation des utilisateurs tout au long du processus de conception est très pertinente pour recueillir des données sur leur expérience globale et ce, même si, au départ, ni les participants, ni les concepteurs n’avaient instauré une aide collaborative officielle.

C’est ce que nous avons observé suite à un projet sur lequel nous avons récemment travaillé. Nous nous sommes aperçus du potentiel de Facebook comme éventuel outil d’analyse de besoins, servant aussi à améliorer à la fois la page Facebook du défi et le site web, et à penser à diverses orientations possibles de conception à plus long terme.

Un peu de contexte…
Le projet consistait à faire la refonte d’un site web pour un défi qui tente de changer les habitudes de vie et prôner la santé par de meilleures habitudes alimentaires et une activité physique régulière. Ce défi se déroule sur 6 semaines et tous les Québécois de plus de 4 ans peuvent y participer. Pour remporter le défi, il faut réaliser 3 objectifs en lien avec l’alimentation, l’activité physique et le bien-être. Des prix sont à gagner.

Le site web offre de nombreux articles et chroniques sur le sujet et propose aussi des outils, des jeux interactifs, des quiz, des vidéos, etc.

En complément du site web, le défi a une page Facebook. L’objectif est avant tout d’offrir un outil stimulant et fédérateur où la communauté des fans du défi peuvent interagir et se motiver durant la période du défi.

Cette plateforme d’échange nous a donc été utile pour mieux comprendre les perceptions et les comportements des participants à trois étapes clé du défi: avant, pendant et après le défi.

Ces éléments n’ont été analysés qu’une fois le défi terminé mais l’archivage temporel des activités antérieures de Facebook nous ont facilement permis de revenir à ces trois périodes spécifiques:

Exemple 1:
Pendant l’inscription, l’ambassadeur du défi fait la promotion du défi sur Facebook et pose des questions ouvertes afin de connaître les motivations des participants:

• Combien de fois ont-ils participé au défi?
• Qu’espèrent-ils obtenir en faisant ce défi?, etc.

Outre le fait d’en apprendre davantage sur leurs attentes et les raisons de leur participation, nous nous sommes aperçu que le formulaire d’inscription leur avait posé problème.

Ces indices ont permis de cibler certaines modifications à apporter au futur formulaire d’inscription mais surtout ont pu orienter le choix d’en savoir plus par le biais d’un sondage et cibler plus précisément certaines questions.

Exemple 2:
Durant le défi et ce, l’ambassadeur essaie d’en savoir plus sur la façon dont les participants  relèvent le défi:

• Ont-ils rencontré des difficultés depuis le début ?
• Quels sont leurs “trucs et astuces” pour mener à bien le défi ?

Certains participants ont décrit un calendrier qu’ils avaient eux-mêmes conçu pour visualiser leur progression indiquant indirectement certains critères qui leur étaient importants pour rester motivé.

Un forum transversal a également vu le jour, entièrement créé par les participants et n’ayant fait l’objet d’aucune modération de la part de l’équipe du défi.  Ce forum servait à poster des annonces entre participants (ex: créer un groupe de marche avec des participants vivant dans la même municipalité, etc.) ou faisait l’objet de discussions informelles entre les participants sans avoir à répondre à des incitatifs du modérateur.

Exemple 3:
À la fin du défi, un certain nombre de commentaires indiquaient ce que les participants avaient aimé, les difficultés rencontrées et leurs objectifs à plus long terme.

Facebook s’est donc apparenté dans ce cas, non pas à une vitrine uniquement promotionnelle du défi, mais à un outil ethnographique s’apparentant à un journal de bord certes exploratoire (aucun des participants ni les membres de l’équipe du défi n’avaient envisagé Facebook sous cet aspect et n’ont donc pas orienté les discussions ni analysé les résultats selon un protocole expérimental et scientifique), limitatif (les solutions apportées ne sont que le résultat d’un petit groupe d’individus; le contenu n’a pas été analysé par des experts médicaux tels des nutritionnistes, psychologues , etc.) et véhiculant certains biais (commentaires majoritairement de femmes; les mêmes personnes alimentaient la plupart des discussions) mais ayant l’avantage d’être simple, instantané, abordable, peu envahissant et de faciliter les interactions entre participants et concepteurs.

Discussion
Certains questions et principes se posent cependant pour mener à bien un design collaboratif via Facebook.

Facebook et la modération
Un modérateur/analyste est indispensable au bon déroulement des discussions. Dans le cadre de notre projet, il s’agissait de l’ambassadeur du défi, une personne publique et officiellement désignée pour représenter le défi. Qu’en est-il d’un chercheur qui n’est pas connu de la communauté virtuelle ?

Selon Kozinets la présence du chercheur doit être révélée à la communauté virtuelle [3] mais dans ce cas, le risque de biaiser les commentaires est grand. Ce débat doit faire l’objet d’une discussion parmi les concepteurs.

Facebook et l’anonymat ou la protection des données
Les commentaires lus ont souvent été très positifs. Cette tendance à prôner le positivisme sur un réseau social qui met à disposition le “J’aime” sans proposer de “J’aime pas” influencerait-elle les commentaires des utilisateurs?

Ou bien est-ce le manque d’anonymat qui empêche les utilisateurs de véritablement s’exprimer ou de participer aux discussions. L’aspect collaboratif pourrait s’en ressentir et les résultats seraient biaisés.

Autre question : le contenu de Facebook étant public, la valeur des données s’en trouve-t-elle un peu moins crédible? Un Facebook privé pourrait probablement aller chercher des commentaires plus objectifs et des idées plus proches de la réalité expérimentée par les participants.

Facebook et la rigueur scientifique ou la pertinence des données
Les commentaires lus et analysés sur Facebook pouvaient s’avéraient peu clairs ou peu précis sur le ressenti de l’expérience vécue.

Les questions posées par le modérateur devraient faire l’objet d’une analyse approfondie pour orienter les conversations et recueillir des données pertinentes et détaillées sur les objectifs visés.

Les participants pourraient également faire l’objet d’un tri de façon à faire contribuer différents profils de participants et générer de nouvelles idées, opportunités et concepts à plus long terme.

D’autres acteurs externes pourraient également être intégrés au projet (tels des experts du milieu médical) pour expliquer certaines réactions, comportements et mécanismes psychologiques.

Facebook servirait de premier triage et ciblerait les thèmes à approfondir par le biais de recherches exhaustives (sondage, entrevues itératives, témoignages personnalisés,  etc.) afin d’aller au-delà du verbal et de véritablement déterminer ce qui pourrait aider à la conception.

Facebook et la diversité des outils
Les outils de récolte de témoignages/commentaires sur l’expérience des participants sont nombreux et peuvent favoriser les échanges en offrant aux utilisateurs le choix d’une plateforme où ils se sentent le plus à l’aise: forums, archivage, tableau blanc pour dessiner des idées de conception ou l’état émotionnel du moment, archiver les “trucs et astuces” utilisés par les participants pour mener à bien le défi.

L’analyse de ces données pourraient révéler les principaux thèmes dont les discussions font l’objet et surtout indiquer les facteurs qui affectent l’expérience vécue durant le défi.

Facebook et le contexte du projet
Le contexte d’étude ici est un défi sur 6 semaines qui colle avec la réalité temporelle de Facebook.

Dans un autre contexte, il faudrait s’assurer que Facebook pourrait s’adapter en tant qu’outil de partage pour du véritable design collaboratif.

Conclusion
Facebook n’est donc pas encore un outil de design collaboratif à considérer en tant que tel pour toutes les raisons évoquées précédemment. Néanmoins il peut donner certaines pistes et tendances sur les utilisateurs et leurs usages voire certaines idées en matière de conception. Le tout devant être analysé avec précaution.

D’autres études devraient être menées pour voir l’apport d’un tel outil dans le design collaboratif.

Où s’en va Yu Centrik dans tout ça ?
Yu Centrik est une firme reconnue pour appliquer des méthodes ethnographiques à la conception d’expériences clients innovatrices. Nous sommes actuellement en train de chercher des outils permettant de prolonger les techniques de collecte d’information en immersion que sont l’observation, le shadowing et les entrevues. Car lorsque l’analyste a disparu, de quoi disposons-nous en effet pour continuer à suivre le participant dans son contexte et profiter de son expérience unique pour informer les concepteurs ? Le journal de bord étant lourd à administrer, nous cherchons des outils de partage d’expérience qui, non seulement nous permettraient de poursuivre la collecte d’information, mais, parce qu’ils seraient « sociaux », nous permettraient de créer l’effet d’entrevue collective où les participants s’influencent positivement les uns les autres et fournissent des détails supplémentaires auxquels ils n’auraient pas pensé tout seuls.  Nous cherchons donc un outil où les participants à nos projets puissent aller documenter leurs idées, leurs commentaires, leurs désirs, etc. dans un circuit social mais privé pour des raisons évidentes de protection des données de nos participants et des idées de nos clients. Si cet outil n’existe pas, nous allons le concevoir ! ☺

—————————————-
SOURCES
Bibliographie
[1] Robert, V. Kozinets, 2010, Netnography: Doing Ethnographic Research, Sage Publications Ltd.
[2] J. Füller et co., 2006, Community based innovation: How to integrate members of virtual communities into new product development, Electronic Commerce Research , Volume 6, Issue 1, Kluwer Academic Publishers.
[3] L. Touzani et J.L. Gianelloni, Le choc culturel dans l’expérience d’hospitalité touristique. Une approche netnographique (2010), 15ème Journée de Recherche en marketing de Bourgogne.
Image
People in the street by Marlies Odehnal
http://www.redbubble.com/people/artodem/art/7743013-people-in-the-street

Les mots clés ne sont pas définis.

0 Commentaire(s)

Laisser un commentaire