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La terminologie : un problème majeur dans la conception des interfaces vocales
09
Juin 2009

La terminologie : un problème majeur dans la conception des interfaces vocales

Yu Centrik a travaillé sur plusieurs projets d’évaluation d’Interface à Réponse Vocale Interactive (RVI). Nous avons ainsi procédé à l’évaluation de quatre systèmes téléphoniques automatisés pour différents organismes gouvernementaux (fonctionnant à touches et non par reconnaissance vocale). En tout, 74 participants issus du grand public ont évalué ces systèmes sur des périodes différentes.

Parmi les freins ergonomiques que nous avons identifiés, l’un des plus fréquents est lié à la terminologie utilisée. Ce que nous entendons par terminologie, c’est à la fois ¨l’ensemble des termes propres à un domaine¨[1] , soit le lexique (le vocabulaire, le jargon, les libellés d’options utilisés, etc.) mais aussi la syntaxe avec la formulation d’une option ou d’un message.

Les points problématiques les plus courants sont dûs d’une part à une terminologie qui n’est pas adaptée au contexte de vie des appelants ni au style auditif de l’interface, mais aussi à un manque de précision et de constance dans les termes ainsi qu’à des options de menus ou des messages complexes qui comportent souvent du jargon.

Ainsi, d’après nos observations, 43% des problèmes sont liés uniquement à la terminologie utilisée.

Quels problèmes ? Quelles pistes de solutions ?

Voici cinq points que nous jugeons incontournables afin de minimiser les problèmes terminologiques.

1. Choix des mots
Pour connaître le niveau à donner à la terminologie, une écoute massive des appels et une transcription mot pour mot des raisons d’appels telles qu’énoncées par les appelants sont nécessaires comme approche. Tel que l’évoquent Garden-Bonneau & Blanchard (2008), il faut structurer le dialogue de la façon dont pensent les appelants et suivant les situations de vie qu’ils rencontrent. Personnaliser une option facilite aussi son identification.

Exemple : l’option ¨Pour un accident de la route, faites le 1¨ sera mieux accueillie et identifiée par ¨Vous avez subi un accident de la route ?, faites le 1¨.

2. Simplicité
La complexité des termes ou des informations est synonyme de perte de temps, de frustration et peut donner l’impression aux appelants d’être ¨incapables¨ de comprendre alors que le système n’est pas adapté. Les RVI étant séquentielles et peu interactives, le mot d’ordre est la simplicité.
Très souvent, l’appelant a un mot-clé en tête. ¨Parce qu’il oublie vite ce qu’il entend¨[2], il est important de privilégier une option pour un mot-clé en faisant attention à l’ordre des mots, d’utiliser des phrases courtes et d’éviter à la fois les confusions auditives et les termes superflus.

Exemple : ¨Pour prendre un rendez-vous avec un réparateur, pour modifier ou annuler un rendez-vous déjà pris ou pour connaître les coûts et les services de réparation, faites le 2¨.

Ici l’option est longue, parle de deux cas de situation différents (le rendez-vous et le coût de réparation), et la similarité auditive des termes ¨prendre – pris¨ et ¨réparateur-réparation¨ embrouillent la compréhension.

On choisirait davantage:
Pour prendre, modifier ou annuler un rendez-vous, faites le 1;
Pour connaître nos services et nos prix, faites le 2;

3. Précision, clarté
Un seul terme dans une option pourra faire que l’option ne sera pas choisie.  Il est donc essentiel d’être très explicite et d’éviter toute ambiguïté.

Exemple 1 : l’option ¨Si vous quittez le Québec, faites le 4¨
Quitter le Québec veut-il dire de façon permanente, temporaire ? L’appelant qui part en vacances se reconnaît-il dans cette option ? En notant que les hésitations entraînent des erreurs dans le système et qu’au bout de deux ou trois erreurs, l’utilisateur est transféré à un préposé, l’option ne répond ni aux besoins de l’appelant ni aux objectifs du client de l’aiguiller au bon préposé.

Exemple 2 : ¨Si vous recevez <telle prestation>, faites le 1 ; Sinon, faites le 2 ;¨

Les participants hésitaient entre les deux options. Si l’on précise le ¨sinon¨ par exemple en disant ¨Si vous ne la recevez pas encore, faites le 2¨, l’appelant identifie l’option plus facilement, fera sa sélection auditive en fonction de sa situation, ce qui évitera de faire des erreurs.

4. Constance
Un vocabulaire homogène permet de minimiser la confusion et d’assurer une cohérence à travers toute l’application, ce qui renforce l’image mentale que l’appelant peut se forger du système[3]. Le Centre d’Expertise des Grands Organismes recommande par ailleurs que la terminologie soit homogène à tous les canaux de communication.

Exemple: ¨Pour des questions relatives à votre versement, faites le 2¨ ;
¨Vous n’avez pas reçu votre paiement, faites le 3 ;

Parler de ¨versement¨ puis de ¨paiement¨ peut sembler identique mais pour un appelant, la question vient rapidement : mais qui paye ? Qui verse ? Est-ce la même chose ?
Sachant que la prise de décision dans le système doit être rapide, il est essentiel d’éviter de créer le doute pour l’appelant.

5.  Vulgarisation
Le jargon est une grande source de confusion pour un appelant puisque contrairement au web où l’explication peut être affichée par un lien ¨plus d’infos¨ par exemple,  dans un système téléphonique automatisé, il est extrêmement contraignant pour l’appelant d’aller chercher de l’information complémentaire. Une solution est d’associer le jargon de l’organisation à une ¨courte¨ explication.

Exemple :
Au lieu de ¨Pour des informations sur le formulaire E10411, faites le 1 ;¨ on pourrait par exemple choisir : ¨Pour obtenir le formulaire E10411 qui couvre vos dépenses de santé dans l’Espace Européen, faites le 1;¨.

Les appelants peuvent identifier le formulaire par son numéro ou sa fonction. L’option s’adapte à l’expérience de l’appelant.

Conclusion

La terminologie est le critère le plus difficile à mettre en pratique puisque le langage invite à de multiples interprétations. C’est pourquoi il est important de mener une analyse approfondie du vocabulaire utilisé par les appelants au travers d’écoutes mais aussi de procéder à des tests d’utilisabilité rigoureux.
Yu Centrik travaille actuellement sur la préparation d’un cours sur la conception en interface vocale. Ce cours sera présenté à Québec à l’automne prochain. Pour en savoir plus, contactez-nous !

Références
Centre d’Expertise des Grands Organismes; (2008); Système de réponse vocale interactive : les meilleures pratiques pour les interfaces vocales. http://www.grandsorganismes.gouv.qc.ca/pages/index_f.aspx?DetailID=92

D. Gardner-Bonneau & H.E. Blanchard, (2008); Human Factors and Voice interactive Systems, Second Edition; Springer, New York, USA.

Sources images
Image Téléphone : http://www.cabinvacationgetaway.com/Contact.php
Image user emoticon : http://www.brothersoft.com/fast-icon-users-for-linux-168235.html

[1] Selon l’Office Québécois de la Langue Française

[2] Gardner-Bonneau, H.E. Blanchard, (2008).

[3] Conseil de l’experte : ce critère devrait d’ailleurs être appliqué à travers toute l’organisation pour améliorer l’expérience client: site Web, service clientèle, dépliants, points de services.

Les mots clés ne sont pas définis.

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