Yu Blogue

Nos dernières réflexions

29
Jan 2008

Pour parler de la multiplicité des tâches au volant

Voilà bien longtemps que je voulais apporter mon grain de sel aux discussions sur l’utilisation du cellulaire au volant et puis l’occasion s’est présentée, il y a quelques jours, sous la forme d’une nouvelle parue dans Cyberpresse.ca. Je ne pouvais plus résister, il fallait que je partage avec vous mes réflexions et observations sur le sujet.

La nouvelle en question relatait la mésaventure de Monsieur Lévesque, maire de Trois-Rivières, qui occupé à lire au volant, aurait emboutit un panneau d’arrêt.

Questionné sur l’incident ou l’accident devrai-je dire, Monsieur Lévesque aurait expliqué qu’il était en train de lire son budget: « J’étais en train de lire mon budget. C’était dans la période du budget. Vous savez comme maire quand on conduit, qu’on téléphone, qu’on est dans la paperasse et qu’on est préoccupé… On pense tout le temps, alors c’est ça qui arrive », aurait-il mentionné.

Si vous pensez que le cas de ce Monsieur est anodin, alors comme disent nos amis anglais « Think twice ».

Voilà déjà quelque temps que je consigne les comportements des automobilistes lors de trajets réguliers Montréal-Québec. Il y a différentes formes de distractions au volant, je me suis attardée à celles qui sont internes au véhicule.

Que font donc les automobilistes lorsqu’ils conduisent leur véhicule? Toutes sortes de choses et plus encore: ils* conduisent évidemment, mais ils téléphonent aussi, discutent ou se disputent avec les passagers, fument, écoutent de la musique et chantent à tue-tête, mâchent de la gomme, mangent, boivent des liquides chauds ou froids, se maquillent, fouillent dans la boîte à gants, règlent le système de navigation, parlent dans leur cibi, lisent leurs courriels sur leur Blackberry, lisent aussi des magasines en conduisant (situation réellement observée pendant 40 minutes sur l’autoroute 20 en direction de Québec, un automobiliste lisant une revue porno tout en conduisant), rêvent en observant le paysage, regardent des dvd (témoignage d’un jeune ami), etc.

Donc, si vous pensez que téléphoner au volant est dangereux, ce que je ne remets pas en cause, vous serez surpris (et finalement pas si surpris que ça) des différentes formes de distractions observées dans ce lieu de culte qu’est l’automobile.

Plusieurs études confirment la multiplicité des tâches au volant. Le tableau ci-dessous est tiré de l’enquête 2003 Nerves of Steel commandée par le Conseil canadien de la sécurité et SteelAlliance où 80% des automobilistes interrogés avaient admis avoir effectué plusieurs tâches au volant.

D’autres enquêtes sur le sujet de la distraction au volant sont disponibles, dont celle du Driving Standards Agency (DSA), et de l’Executive Agency of the Department for Transport, mise à jour en septembre 2007 et ajoutant à la liste des distractions « fumer en conduisant ».

Les sources de distraction affectant les conducteurs sont présentées par ordre de fréquence:

Selon des études récentes de companies d’assurances combinées à celles des donnés du National Highway Traffic Safety Administration (NHTSA), manger en conduisant est une des sources de distraction les plus importantes. Voir le top 10 des aliments à ne pas consommer sur la route :

Voici un autre exemple de conseils prodigués en Californie sur la distraction au volant.

Le problème est donc plus complexe que d’interdire ou pas l’utilisation des cellulaires au volant. Beaucoup de distractions peuvent détourner notre attention de la route, on peut essayer d’en limiter certaines soit, mais dans le quotidien on se fait peur de temps en temps, ne serait-ce que lorsqu’on réalise soudainement qu’on a conduit par automatisme et qu’on n’a aucun souvenir d’une portion du trajet qu’on vient d’effectuer. Les études sur les types de distraction au volant sont de plus en plus nombreuses et elles ne peuvent qu’améliorer notre connaissance de la cognition de l’humain, de nos capacités et de notre sécurité sur la route.

*L’utilisation du masculin dans ce blogue a pour seul but d’alléger le texte et s’applique sans discrimination aux personnes des deux sexes.

Les mots clés ne sont pas définis.

2 Commentaire(s)

Brice

Article fort intéressant.

Je pense qu’il aurait été aussi utile de définir ces différentes statistiques en fonction, notamment, de l’expérience de conduite. En effet, l’expertise se caractérisant par l’acquisition de nombreux automatismes dans l’activité de conduite mécanique (passage de vitesses entre autres) et dans l’activité de navigation (trajet connu, évitement de voiture et.), peu de ressources cognitives sont employées. Ce qui n’est pas du tout le cas pour de jeunes conducteurs qui, au contraire, mobilisent au maximum leurs capacités dans la gestion de ces activités. De ce fait, l’emploi d’un téléphone ou la lecture d’un blackberry entre ces deux types de populations n’a certainement pas la même incidence sur la capacité de conduite.

Mais outre le fait de grignoter de la capacité cognitive, ces différents usages parallèles à la conduite ont-ils les mêmes conséquences ? Si le fait de fumer une cigarette soit considéré comme un automatisme (malheureusement), et donc peu consommateur en capacité, que se passe-t-il si de la cendre incandescente tombe sur le genou du conducteur qui pour l’expérience ne portait qu’un pantalon fort peu épais ? Est-ce aussi dangereux que de lire un journal ?
La notion de sécurité doit donc, il me semble, prendre en compte tout autant la consommation de capacité cognitive (double tâche) que les possibles séquences d’actions (qui peuvent aussi se révéler consommateur par la suite) et notamment dans le temps (caractère urgent ou non, par exemple).

Pour compléter la lecture de cet article, je vous recommande fortement les travaux de Hoc et d’Amalberti sur ce sujet.

Interrogation de ma part : il me semble que l’utilisation d’un téléphone portable est quelque déroutant ; on parle à quelqu’un qui n’est pas à côté de nous (remarquable par le fait que l’on parle souvent fort). J’imagine que cognitivement parlant cela doit être assez consommateur, mais existe-t-il une étude là-dessus (voir ou ne pas voir son interlocuteur) ?

Brice

Joëlle Stemp

Merci Brice pour ces précieux commentaires et la référence de l’article.

Pour cet article, je me suis cantonnée aux situations distrayantes à l’intérieur du véhicule, et n’ai pas traité des facteurs externes, ni des distractions liées à la pensée.

Effectivement, on doit tenir compte de facteurs extrêmement importants tels l’expérience de conduite et la connaissance du trajet, le type de route (urbain vs rural), la densité du trafic, l’âge de l’automobiliste, les tâches effectuées, la vitesse etc.

Pour ce qui est qui est du parlé fort au cellulaire, J’ai lu plusieurs études sur le sujet. Dans une conversation face-à-face accompagné de bruits externes, les deux parties partagent les mêmes conditions et la même expérience d’écoute.

La pauvre qualité du son des téléphones cellulaires (le volume est souvent au maximum) et les situations de perturbations, bruits ou sons externes différents, pourraient être responsables de la propension des utilisateurs de cellulaires à parler plus fort afin d’entendre et de comprendre l’interlocuteur.

Le fait que les deux personnes ne partagent pas la même qualité d’écoute engendrerait une stratégie de compensation à parler plus fort au téléphone cellulaire que dans une conversation face-à-face.

Voir cette étude: Disturbing cell phone behavior – a psychological perspective / Svein Bergvik
http://www.telenor.com/rd/pub/publications/pub04/index.shtml

Je me questionne sur notre tendance à marcher en téléphonant. Je ne parle pas de marcher dans la rue en téléphonant, mais à la maison et au bureau avec un combiné mobile. Je me demande s’il s’agit d’une besoin de synchronisation?

Des hypothèses?

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