La recherche utilisateur en design est-elle obsolète ou est-elle plus importante que jamais ?
Il y a quelques mois, nous avons mené un atelier de Design Thinking en partenariat avec nos collègues de SAP Montréal pour réfléchir à l’apport de la recherche utilisateur à l’ère du Big Data, où les réponses sont à notre disposition avant même de poser les questions. Chez SAP le Design Thinking fait déjà partie inhérente de leur démarche de conception, le défi était donc grand pour notre équipe.
Nous avons imaginé une situation extrême et familière à Montréal : une tempête de neige inattendue s’est produite pendant la nuit.
Concevez le point de vue des usagers des transports en commun, des piétons, des parents d’écoliers et des personnes âgées, en tenant compte de certains facteurs :
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des espoirs et des craintes que cette situation évoque
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des données concernant le volume et la fréquence des chutes de neige, des coûts de déneigement, des blessures liées à l’enlèvement de la neige et de la politique municipale de déneigement.
Le défi consistait à imaginer des solutions pour améliorer la vie des citoyens pendant et après une importante tempête de neige.
Nous avons prototypé nos idées à l’aide de techniques de jeu de rôle, dont le Body Storming, et avons scénarisé de nombreuses situations vécues lors d’une tempête de neige. Les participants ont simulé les vécus de différents types d’utilisateurs (ex : une personne âgée seule dans son domicile), intégrant des éléments d’environnement, (ex : une plaque de glace, accumulation de neige) et de design (ex : un coussin gonflable portable).
En donnant à chaque joueur la parole et l’espace pour simuler l’interaction, cet atelier a fait émerger des situations inédites, des obstacles et des solutions qui ont révélé des éléments importants à considérer lors de la conception.
En réfléchissant sur la façon dont l’idéation a évolué tout au long de la journée, nous avons observé comment les données statistiques mettaient en lumière certains aspects du problème à envisager, mais aussi comment elles échouaient à capturer certains autres éléments importants comme le contexte de vie et d’utilisation, et les circonstances particulières à chaque situation, ce qui a déclenché de nouvelles idées.
Nous ne sommes pas tout seul à observer ce fait, plusieurs chercheurs contemporains en design qui utilisent les données du big data s’exposent également à leurs limites. L’analyse statistique peut nous dire ce qui se passe dans un contexte donné, mais comprendre le pourquoi et le comment on pourrait améliorer les situations et les produits nécessite l’ajout de méthodes complémentaires.
Dans son article “Les préjugés cachés dans le Big Data“, Kate Crawford fait une mise en garde contre le “fondamentalisme des données” , qui tend à masquer les causes des comportements des personnes. Elle recommande de faire une recherche qualitative rigoureuse pour éclaircir les préjugés et les points “obscurs” des statistiques. L’article de Wired “Vos Big Data sont inutiles si vous ne les appliquez pas au monde réel” affirme que les données recueillies dans un contexte d’observation isolé sont de simples « traces de nos actions et nos comportements ». L’anthropologue Tricia Wang affirme que le Big data a besoin de données “d’épaisseur” ou d’un aperçu du contexte pour être utile aux concepteurs.
En résumé, la recherche ethnographique ou contextuelle agit comme un pont, permettant aux organisations d’identifier ce qu’elles ne savent pas mais devraient savoir, et déclenche quelque chose que le Big Data n’évoque pas explicitement : l’inspiration.
Voici une petite vidéo de l’atelier.
Un grand merci à Ruturaj Mody chez SAP pour cet opportunité très joyeuse !
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