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De la ferme à la table : la reconnexion
14
Déc 2015

De la ferme à la table : la reconnexion

Le système chapeautant l’ensemble des systèmes de productions agricoles de l’industrie de l’agroalimentaire est généralement géré à la manière d’une entreprise visant surtout… le retour sur investissement.

C’est un secteur lucratif basé sur la production de très grandes quantités à faible coût,  souvent aux dépens de la biodiversité, de la qualité nutritionnelle, du développement durable, et sans mentionner la saveur des produits.

Dans le secteur de l’agroalimentaire d’aujourd’hui la chaîne d’approvisionnement est très longue: les produits frais de mégaproducteurs doivent être cueillis avant d’avoir fini de mûrir, transportés par camions aux entrepôts, transformés, emballés, transportés de nouveau jusqu’aux points de distribution, puis finalement acheminés vers les épiceries où les produits arrivent dans diverses conditions de qualité.

À chacune de ces étapes, des sommes d’argent sont retirées des poches du fermier. Conséquemment, ce dernier est incapable de fixer ses propres prix, car cet argent s’en va vers la transformation, le transport, l’emballage et la commercialisation des produits alimentaires.

Notez que je parle de façon générale et qu’il y a, heureusement, des exceptions à cette pratique.

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Source: « Minimalist Dinner » par Jake Stimpson de Flickr

Un besoin bien humain

Les gens, ceux qui consomment des produits fermiers ont, la plupart du temps, perdu tout contact avec la provenance de la nourriture et le processus qui l’amène de la ferme à l’épicerie (habituellement un supermarché).

La chaîne d’approvisionnement des aliments est devenue de plus en plus abstraite. Ce qui était autrefois une séquence facile à comprendre: cultiver, cueillir, échanger ou acheter (entre deux ou un petit groupe de personnes), est devenue un processus industrialisé mystérieux dans l’esprit des gens. Au fil des ans, l’industrialisation a forcé notre alimentation à subir les méandres de la transformation.

Ne sachant plus d’où provient notre nourriture (qui cultive quoi et à quel endroit) entraîne un désengagement de la part des consommateurs. Par conséquent, ils sont plus susceptibles de se faire dire quoi manger via ce qui est offert en supermarché. Il en revient aux grandes entreprises de décider ce que nous mangeons, quelque chose qui aura été optimisé par la vitesse et le rendement – quantité plutôt que qualité.

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Source: Provender, utilisée avec permission 

Un modèle pour reconnecter

Une Startup montréalaise du nom de Provender s’est donnée pour mission de faire le lien entre des producteurs et des restaurateurs ainsi que quelques autres entreprises du secteur de l’alimentation.

Le principe de cette plateforme de commerce en ligne est assez simple: les producteurs téléchargent leur inventaire (ce qu’ils cultivent), les chefs ou les responsables de l’approvisionnement des restaurants qui ont des besoins particuliers peuvent passer une commande ou découvrir les produits d’un producteur qu’ils ont aimé dans le passé.  Souvent, le producteur va attendre une commande avant de récolter le produit et le livrer ensuite directement au restaurant.

À l’heure actuelle en Amérique du Nord il n’y a pas de politique en place pour s’assurer que les consommateurs puissent connaître l’origine de leur nourriture. Provender voit ça comme une opportunité et veut que cette information soit complètement transparente.

La plate-forme est B2B (Business to Business) et répond aux besoins des deux parties. Lorsque j’ai parlé à Provender, j’ai mieux compris la valeur ajoutée de leur service: la relation avec le client !

Le cofondateur, un chef d’expérience qui a œuvré dans les grands restaurants de Montréal, a bien compris les besoins. Comme lui, la majorité des chefs sont pointilleux quant à leurs choix. Ils veulent la meilleure qualité-prix et la diversité, chose que les petits producteurs peuvent offrir. Parfois même des dizaines de variétés du même légume peuvent être trouvées sur la plate-forme.

Cependant les petits producteurs rencontrent certains problèmes à adresser la situation actuelle du marché comme :

  • le facteur de temps. Ils ont toujours la possibilité de venir en ville et passer plusieurs jours à essayer de vendre leurs produits. Généralement sur 20 restaurateurs avec qui ils parleront, seulement un contrat sera passé. Une fois qu’ils sont sur la plate-forme de Provender ils ont automatiquement une visibilité sur le marché.
  • Ensuite, le facteur de risque. Il est parfois difficile pour les producteurs de savoir ce qu’ils doivent cultiver. Grâce à la plateforme de Provender, les agriculteurs peuvent désormais recueillir des commentaires directement de leurs acheteurs: qu’est ce qui se vend bien et ce qui sera en demande pour les prochains mois? Comme ils peuvent établir leurs propres prix, ils peuvent s’assurer que leurs ventes soient profitables.
  • Puis, le rapport à la capacité. C’est un des principes clés de la plate-forme, les producteurs contribuent selon leur propre capacité et ils n’auront pas à produire un quota de X tonnes pour participer. 

Certains agriculteurs vont sauter sur l’occasion et commencer à utiliser la plate-forme tout de suite tandis que d’autres peuvent être réticents. Dans tous les cas, quelqu’un de Provender va les initier et les guider dans leur démarche. Ça passera quelquefois par une visite à la ferme, mais le tout peut être aussi fait par téléphone.

Les producteurs peuvent par la suite découvrir la flexibilité de la plateforme et choisir leurs régions et leurs jours de livraisons, fixer leurs propres prix et décrire leurs produits.

La facturation fait également partie de la plateforme. Provender garantit que le produit sera payé, évitant ainsi de courir après les factures impayées et il n’y a pas de risque de retour sur les marchandises livrées non plus.

Ce qu’offre la plateforme est bien plus qu’un simple échange d’affaires: c’est un enrichissement de la relation qui est créée. Grâce à la plateforme, le producteur a plus de contrôle, il est aussi plus impliqué et plus connecté à ses clients potentiels.

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Source: « Tomatoes » par Neil Conway de Flickr

Qu’en est-il des consommateurs?

Il existe d’autres entreprises qui se penchent sur des solutions B2C (Business to Customer). La livraison à domicile de son épicerie n’a rien de nouveau, mais avoir un accès direct ou une plus grande proximité aux produits locaux – et établir une relation avec ceux qui les cultivent – est le modèle durable sur lequel ces nouvelles entreprises sont basées.

Justement, leurs modèles d’affaires responsables misent tous sur la transparence: les profils détaillés des fermes sont accessibles et l’origine des produits mise de l’avant. Le contexte d’usage du produit est aussi pris en considération – comme manger sainement est une préoccupation, ces entreprises se forcent à simplifier la tâche aux consommateurs.

Il existe des fonctionnalités de planification de repas hebdomadaires qui aident les gens à commander de la nourriture pour une semaine par exemple, grâce à des fiches prédéfinies de «kits de repas ».  On peut naviguer par recette et commander tout ce dont on a besoin pour cette recette. Le contenu est stylisé et en contexte, avec des photos de grande qualité.

icône de poignée de main sur une image de jardin
Source: « Handshake’ par Milky – Digital innovation du site the Noun Project
& image: 
Provender, utilisée avec permission 

La technologie au cœur de ces solutions n’est peut-être pas particulièrement complexe, mais le besoin humain auquel elle répond est vaste. Beaucoup d’autres solutions vont émerger et ces entreprises auront l’occasion de vraiment regarder quels besoins leurs solutions viennent combler et poser les bonnes questions.

En se penchant sur ces besoins, il faut que les nouvelles entreprises considèrent également les questions suivantes :

Comment approchez-vous votre recherche pour ce type de relation? Qu’est-ce qu’on doit considérer en rapport aux producteurs et aux gens qui découvrent qu’ils peuvent manger mieux? Dans quels environnements sont-ils? Quels dispositifs utilisent-ils?

Je crois que beaucoup de personnes comprennent l’importance de manger local. Ils sont plus conscients des enjeux environnementaux liés à la production alimentaire de masse, et au problème des antibiotiques par exemple et de l’éthique liés à l’élevage industriel.

Les gens sont sensibles à la production et à la distribution à petite échelle. Ils peuvent voir, comprendre, même prendre part aux différentes étapes : être en mesure de visiter une ferme locale stimule les sens. Ils peuvent voir ce qui est cultivé, sentir l’atmosphère, toucher l’aliment à différentes étapes. Cette expérience sensorielle – une expérience très humaine – vient toucher des racines profondes, l’importance de ce que nous mangeons!

L’argent étant échangé contre des biens est toujours la base de ces entreprises, mais leur valeur transcende l’argent – Il ne s’agit pas seulement d’économiser en retirant un intermédiaire, la vraie valeur est dans la reconnexion des gens des deux côtés de la chaîne alimentaire.

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