Nos lecteurs nous disent souvent vouloir améliorer leurs compétences en design de technologies. Avec un peu de chance, vous aussi. Alors peut-être vous tenez vous à jour en lisant les blogues de technologie et en suivant Twitter, et peut-être vous laissez vous parfois entrainer par la frénésie de gourous du marketing qui clament haut et fort que nous sommes au centre d’une nouvelle révolution. Le problème, c’est que la révolution de l’information a eu lieu il y a plus d’un siècle! Évidemment, on se doit d’être informé, mais il est tout aussi important de dépoussiérer quelques vieux bouquins pour découvrir ce que l’histoire du design peut nous apprendre.
Il faut se méfier de la frénésie du Hype
Si vous passez une bonne partie de votre temps sur le web, vous croyez sans doute que nous sommes à l’aube d’une révolution de l’information. Si cette effervescence est une source de motivation pour vous, ne vous en privez surtout pas! Toutes ces innovations technologiques, plus polies et fonctionnelles les unes que les autres et grâce auxquelles nous faisons partie d’un réseau global sont certainement sans précédent. Par contre, si vous avez une pensée critique, vous aurez la capacité de voir au-delà de cette frénésie. Lorsque vous entreprenez un projet d’envergure, vous avez la responsabilité de prendre les bonnes décisions en tirant des leçons de l’histoire des médias.
Rares sont les designers qui plongent dans toutes les facettes du savoir humain, ils sont même en voie de disparition – on peut probablement en blâmer la frénésie du hype. Mais pensez vous vraiment que la technologie est le moteur fondamental du changement du progrès humain? Je suis souvent surpris du nombre de personnes qui croient que c’est le cas, sans prendre le temps de se poser la question. C’est pour répondre à ce raisonnement erroné que je voudrais rappeler à nos lecteurs que nous n’avons pas inventé le concept de «révolution de l’information». C’est particulièrement important dans les domaines qui nous touchent : la recherche et le design. Croire en la frénésie nombriliste de notre génération ne peut que réduire notre champ de vision, limitant d’autant notre capacité à s’inspirer de sources diverses, essentielle au bon design d’interactions.
Mais de quand date la VRAIE révolution de l’information?
Dans son livre «The Victorian Internet», Tom Standage fait la comparaison entre l’Internet d’aujourd’hui et le télégraphe du 19ème siècle. Plusieurs des caractéristiques de la soi-disant révolution de l’information d’aujourd’hui datent en fait du milieu du 19ème siècle. Même si l’Internet en reçoit les crédits, la messagerie instantanée, le courrier électronique, le piratage, l’utilisation de langage abrévié sont en fait issus du télégraphe. Mais ces développements semblent mineurs lorsqu’on les compare à la plus importante contribution du télégraphe: la plus grande portée des médias d’information.
Au milieu du 19ème siècle, dans un monde où les journalistes pouvaient prendre plusieurs mois pour préparer leurs articles, le télégraphe a créé une industrie concurrentielle de l’information en communicant les nouvelles et les événements autour du monde en seulement quelques minutes. Ce développement a sans doute servi de point de départ à notre monde de médias globaux. Les hommes et les femmes de cette époque ont vu un changement plus profond que nous: une véritable révolution de l’information.
Designers : redécouvrez l’histoire des nouveaux médias
Le télégraphe illustre parfaitement pourquoi ceux qui travaillent en technologie devraient éviter de se concentrer uniquement sur les travaux de notre génération. Bien que les concepts de design technologique d’aujourd’hui aient leurs mérites, on ne devrait pas ignorer l’évolution des médias. Il y a d’importantes leçons à tirer des approches artistiques traditionnelles que sont entre autres la littérature, la peinture, la musique et l’architecture :
• La pierre de Rosette, un artéfact sur lequel est gravé le même message en grec et en hiéroglyphes de l’Égypte ancienne. Cette pierre est la clé qui a permis, en comparant les deux versions, de comprendre le langage des pharaons. Dans notre contexte, la métaphore facilite l’apprentissage d’interfaces complexes en comparant des notions techniques abstraites à des concepts familiers.
• Un autre exemple, les travaux récents de Steve Dipaola sur l’art de Rembrandt ont démontré que le grand maitre utilisait des techniques pouvant manipuler les émotions de son audience – leur «expérience» de l’oeuvre. Que ce soit intentionnel ou non, Rembrandt peignait pour l’expérience utilisateur du 17ème siècle.
• Finalement, il y a eu l’avènement du fonctionnalisme en architecture au début du 20ème siècle. Ce mouvement, que Louis Sullivan a résumé brillamment par la formule «la forme suit la fonction», est en lien direct avec les doctrines de conception d’interface utilisateur d’aujourd’hui.
Avec seulement quelques exemples, on peut voir que nous ne sommes pas dans un domaine complètement nouveau. Au contraire, notre travail est la suite logique de celui de nos prédécesseurs. Il serait insensé de ne pas s’en inspirer. C’est pourquoi je suis convaincu que ceux qui œuvrent en technologie devraient redécouvrir les idées et techniques d’autrefois. Bien sûr qu’il faut suivre les blogues et Twitter, mais n’oubliez pas d’aller chercher l’inspiration de vos ancêtres des médias.
Vous travaillez dans le web? Redécouvrez la presse d’imprimerie. Vous faites du design graphique et visuel? Étudiez la peinture et le portrait. Vous travaillez en ergonomie physique? Apprenez la sculpture. Votre spécialité est l’architecture de l’information? Étudiez l’histoire des langues. Vous serez surpris – une approche basée sur les fondations peut vous donner des méthodes de recherche progressistes et vous aider à concevoir de meilleures solutions pour vos clients.
1 Commentaire(s)
Très bon article.
L’occasion de prendre un peu de recul par rapport aux flots de « nouveautés » que je découvre chaque jour dans mon Netvibes.
Surpris que tu n’aies pas cité la musique comme exemple d’expériences/connaissances parallèles.
Bach était un monstre, niveau UX. Il composait ses oeuvres de manières mathématiques, jouant sur les majeurs et les mineurs pour émouvoir ses auditeurs.
Redoutablement efficace.