Paris porte-à-porte est un projet transmédia souhaitant célébrer le 40ième anniversaire du périphérique de Paris.
Il combine à la fois un webdocumentaire, une carte interactive avec des flashcodes (des pictogrammes basés sur la technologie des codes QR), une émission radio et une collection de photos prises par des usagers du périphérique ou des riverains. Le web, la radio, le documentaire et le téléphone cellulaire sont donc les plateformes/supports utilisés pour décrire le périphérique d’hier, d’aujourd’hui et de demain.
L’utilisateur peut entendre parler de l’événement grâce à deux points d’entrée principaux :
- Il peut entendre une émission radio sur le sujet;
- Il peut voir sur le site web de France Inter (ou sur celui du Pavillon de l’Arsenal) un lien vers le webdocumentaire ou la carte interactive.
Chaque point d’entrée (plateforme) fournit à l’utilisateur une expérience différente de navigation et d’utilisation de contenus.
L’idée du transmédia consiste à enrichir l’expérience vécue en proposant du contenu complémentaire sur diverses plateformes. Il a souvent vocation à offrir du contenu divertissant et immersif mais il peut également avoir un but pédagogique.
Partant du postulat que le projet porte-à-porte a pour mission de faire découvrir le périphérique à toute personne qui s’y intéresse, la question est de savoir si le transmedia enrichit véritablement la connaissance par la diversité des supports et des contenus proposés ou si au contraire il éparpille le savoir. Que retient-on finalement?
Nous avons essayé de comprendre quel était l’apport de chacun de ces médias dans le processus pédagogique, ce que chacun nous permettait d’apprendre et de quelle façon.
Voici les trois éléments auxquels faire attention.
1. Il est important d’être guidé au départ
Il est par exemple difficile de commencer par la carte.
Elle semblait être un bon point de départ puisqu’offrant une visualisation rapide des données mais le format PDF peut dissuader (long à télécharger, peu interactif) et on ne sait pas toujours par où commencer. On se sent un peu perdu.
Certains éléments semblent importants (puisqu’illustrés par des photos) mais rien n’explique en quoi ils le sont.
Les flashcodes sont très rapides à activer mais fournissent uniquement des reportages audio. La carte est visuelle mais les reportages ne le sont pas, il y a là une divergence de contenus.
L’émission radio nous aurait peut-être mieux guidé en ciblant les éléments importants.
2. Ce n’est pas parce que le contenu d’un média semble interactif et immersif qu’il aide efficacement à l’acquisition des connaissances.
Le webdocumentaire est attirant. Le format est court (pas plus de 3 minutes), immersif (caméra embarquée sur le périphérique à bord d’une voiture en compagnie d’une journaliste et d’un expert.
Des informations contextuelles apparaissent sur la vidéo au fur et à mesure de la conversation entre l’expert et la journaliste.
Néanmoins elles ont tendance à distraire et à détourner le propos du spécialiste: on ne l’écoute plus, notre attention est divisée puisqu’on tente de lire ces informations.
- Le texte peut-être trop long par rapport au temps disponible pour le lire
- Écrit en majuscule, il est plus difficile à décoder
- Le lien avec la vidéo n’est pas toujours clair. Ex : la journaliste énonce «nous arrivons Porte de la Plaine» tandis que l’information contextuelle indique: «D’origine Rom, la famille Moldovan s’est installée Porte de Brancion.»
On a l’impression de manquer des choses : pourquoi aurait-on ajouté ces informations si elles n’étaient pas pertinentes?
On pourrait y revenir plus tard mais on devrait interrompre la vidéo et c’est une perte de temps.
Pour en apprendre davantage sur le périphérique, on doit faire un choix entre l’information contextuelle et le propos de l’expert.
Le webdocumentaire n’est peut-être pas le bon média à superposer d’informations contextuelles puisqu’il implique déjà une charge cognitive sur l’attention, la mémoire et accapare la vision et l’audition, le tout en moins de 3 minutes. À moins de simplifier l’interaction, en stoppant la vidéo de façon sporadique par exemple ou de proposer des informations contextuelles affichées en-dehors de la vidéo mais proches afin d’être en lien avec le contenu, l’apprentissage n’est pas consolidé.
3. Une expérience unifiée entre les plateformes optimise la découverte et la compréhension globale du sujet
L’univers narratif est ici peu connecté entre les différentes plateformes: l’expérience s’arrête à la frontière du support sur lequel elle a pris forme.
Nous ne pouvons pas interrompre par exemple le webdocumentaire et aller chercher de l’information sur la carte interactive. Exemple : le webdocumentaire offre dans un de ces reportages un lien vers un lieu du périphérique « la porte de Bercy ». Lorsqu’on clique dessus, on obtient l’histoire de la porte de Bercy : il aurait intéressant de visualiser la porte de Bercy sur la carte.
Les trois supports offrent du contenu extrêment riche et pertinent, chacun d’eux nous faisant découvrir un aspect singulier du périphérique de Paris :
- Le webdocumentaire parle, quant à lui, de la place que le périphérique jouait jadis, joue actuellement et jouera dans la ville de Paris.
- La carte interactive offre une vue d’ensemble sur les installations et les bâtiments à proximité du périphérique : industries, stade de sport, architecture, lieux de loisirs à proximité (jardins communautaires, terrains de tennis)…
- L’émission radio se concentre davantage sur la population autour du périphérique : les riverains, les automobilistes, le personnel d’entretien, etc.
Néanmoins, à moins d’explorer chacun d’eux, nous n’avons que peu d’idée de ce que nous pouvons apprendre de chacun: aucun d’eux ne mentionne en quoi les contenus se complètent et comment nous pouvons continuer l’expérience d’un média à l’autre. La présentation du projet fait davantage la promotion du média que celui du contenu.
Conclusion
Tout est là: mouvement, interactivité, un savoir approfondi…mais qu’il n’est pas toujours simple à trouver ni à consolider. L’expérience interactive a ici pris le pas sur le processus d’apprentissage. L’utilisateur est actif, il interagit mais son interactivité n’est pas en lien avec l’acquisition de ses connaissances. Il morcelle son expérience pour glaner d’autres informations qu’il n’aura pas toujours le temps de consolider : le flow est interrompu. Le transmedia rend l’expérience immersive s’il sert l’objectif de départ (ici un objectif de découverte d’un lieu important dans Paris, un objectif pédagogique aussi) et si chacun des médias se complètent pour servir cet objectif : les trois éléments mentionnés plus haut auraient permis de mettre davantage en relief la haute qualité du contenu du projet.
Image source: culturecrossmedia.com
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