Les séquoias (Sequoia sempervirens) vivent le long d’une bande étroite de la côte Pacifique de de l’Oregon au nord de la Californie. Le grand âge et l’échelle de ces arbres produisent, au premier contact, un effet puissant associé à des sentiments complexes.
Il est apparent, dès les premiers pas, que cette forêt possède un caractère spécial. Votre regard est immédiatement attiré vers le haut laissant votre mâchoire en suspens en émerveillement total. Dès lors, vous ralentissez le pas. Vous vous laissez complètement submergé par l’effet de ces arbres gigantesques dont vous ne voyez pas le sommet. Il devient difficile de pleinement saisir ce que vous voyez.
En randonnée sur la côte ouest, il est fréquent de voir le brouillard s’accrocher à la forêt laissant quelques rayons de soleil passer, comme si tout n’était pas déjà assez irréel. La brume rend l’air humide, où l’on peut sentir un mélange de vie vert-tendre qui pousse sur toutes les surfaces et de celle moins tangible qui se décompose au sol.
La faune quant à elle est éminemment absente au niveau du sol. De temps à autre, vous pouvez apercevoir un oiseau, mais l’atmosphère est principalement rythmée par le silence et le son d’un vent léger qui passe à travers le feuillage.
Vous êtes alors habité par un sentiment d’humilité, d’excitation et même d’un peu de vulnérabilité. Vous êtes incroyablement impressionné par la lutte et la délicatesse de la vie. L’âge de ces arbres vous fait prendre conscience de votre propre mortalité.
Même si le sentier sur lequel vous marchez existe pour vous guider et qu’il est conçu pour connecter les visiteurs à la forêt (évitant qu’ils s’égarent), vous vous sentez comme un intrus dans ce lieu extraordinaire — plus que dans d’autres sites de randonnées.
Ce type d’expérience sensorielle n’existe que dans le moment présent, contrairement à celles offrant un résultat tangible qu’on peut ramener à la maison (un service ou une photo livrant un artefact). La photo au haut de ce blogue vous a peut-être impressionnée. Elle décrit certaines choses ; transmets certaines informations, mais ce qu’elle évoque est à des kilomètres de l’expérience réelle. Sortir sa caméra ou son téléphone lorsqu’on se trouve devant quelque chose comme une forêt de séquoias est compréhensible, mais on ne capture qu’un marqueur ; un déclencheur de souvenirs pour tenter de capter ce qu’on voit, entend et ressent.
Il est impossible de recréer de telles expériences, mais une façon de les étirer un peu plus dans le temps est de porter attention à la réaction de vos sens, et du coup, aux pensées et questionnements qu’ils génèrent. Quand des pensées et des émotions de cette magnitude sont soulevées, elles provoquent une prise de conscience qui enrichit la compréhension d’expériences — les nôtres et le regard que l’on porte sur celles des autres.
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