La gestion de centre d’appels est une discipline en soi (call center management).
Une partie de cette discipline consiste à assurer la conception des systèmes qui permettent aux représentants au service à la clientèle de procéder à l’ensemble des transactions qui peuvent être apportées au compte d’un client. Une des problématiques souvent rencontrées en centres d’appels est la productivité des ressources (les représentants) et lors d’analyses, on se rend notamment à l’évidence que les systèmes informatisés qui sont mis à leur disposition pour exécuter leurs tâches sont sous-optimaux; d’où les nombreux projets de refonte de ces systèmes.
Notre firme a été mandatée à quelques reprises déjà pour travailler à la refonte de systèmes de centre d’appels et je dois dire que j’aime toujours travailler sur de tels projets.
J’apprécie le fait que les processus soient complexes, les impératifs de qualité et de productivité élevés et les caractéristiques des utilisateurs très variées. De beaux défis pour des designers !
J’apprécie aussi que, sur de tels systèmes, le design ait un double impact : à la fois du côté de la productivité du représentant au service à la clientèle (et sur la satisfaction qu’il a dans son travail) mais aussi, du côté de l’expérience du consommateur à l’autre bout du fil et donc, sur la satisfaction globale envers la marque.
Pour une seule intervention de design, l’impact est donc double, à la différence de ce qu’il peut être lorsque l’on conçoit une application ou un site du strict côté du consommateur.
Cependant, si les impacts sont amplifiés, les risques ne le sont pas nécessairement en proportion; ce qui importe c’est de bien connaître les règles et principes qui dirigent la conception de systèmes en centres d’appels et les appliquer rigoureusement.
Voici quelques-uns des principes que nous veillons à appliquer lors de la conception de systèmes en centre d’appel :
1 – Connaissez votre centre d’appel
Vous devez connaître comme si vous y étiez né le business auquel vous vous attaquez (service public ou privé, ventes de biens ou de services ou les deux, centre de dépannage, support technique, etc.).
De même, les règles d’affaires, les politiques et procédures, la formation des gens (durée, coûts, formation initiale versus continue), les indicateurs de performance (nombre d’appels traités, temps d’attente) et l’organisation des équipes (niveaux d’expertise, taux de roulement, quarts de travail, aiguillage par compétence…), plus rien ne doit vous être inconnu.
2 – Observez sur le terrain
On ne le dira jamais assez : OBSERVEZ les représentants, SUR LEUR TERRAIN. Assoyez-vous à côté d’eux et écoutez les questions qu’ils posent au client, les formulations qu’ils emploient, leur jargon, les informations qu’ils cherchent, les aide-mémoires qu’ils se mettent partout sur leur bureau. Émerveillez-vous de tous les trucs qu’ils trouvent pour faire patienter le client lorsque le système tombe en panne ou qu’ils ne trouvent tout simplement pas l’information demandée…
Ouvrez vos oreilles et vos yeux d’analystes! Dans ce domaine, ce qui est lu reste abstrait alors que ce qui est vu est compris instantanément et ouvre sur des perspectives créatives.
Sachez la différence entre la tâche prescrite et la tâche réelle (ce qui est montré en formation versus ce qui est fait sur le terrain).
Modélisez la tâche réelle et identifiez les opportunités d’automatisation et d’amélioration des interfaces pour mieux soutenir la tâche.
N’oubliez pas que ce qu’on veut dans la plupart des cas, c’est diminuer l’astreinte cognitive sur les gens, pour augmenter leur disponibilité d’écoute. Cette disponibilité cognitive est d’autant plus importante si l’on exige des représentants qu’ils vendent des produits dérivés dans le court laps de temps que dure la conversation téléphonique. Ils doivent être « tout » là…
3 – Concevez par prototypage
Avant toute chose: les superviseurs, les formateurs et les représentants ne SONT PAS des concepteurs de systèmes !
Bien qu’ils possèdent sur le bout de leurs doigts les règles d’affaires et les politiques du centre d’appel, bien qu’ils connaissent à fond leur clientèle, ils ne sont pas qualifiés pour concevoir et tester les interfaces qui leur permettront de faire efficacement leur travail.
Le corollaire à ça: les programmeurs ne devraient pas non plus avoir une trop grande latitude à la créativité. Même s’ils veulent bien faire en apportant des améliorations, il faut savoir que les designs ont été rigoureusement testés et validés et que le moindre changement peut avoir un impact sur la performance.
Bien avant les méthodes Agile, je concevais par prototypage rapide et le plus interactif qui soit possible, et je pense que je ne me suis jamais gourée en appliquant cette méthode: plusieurs petits prototypes partiels testés et améliorés valent mieux qu’un exhaustif, long à faire, et sur lequel il est trop compliqué de revenir en arrière…
Basez votre design sur des cas typiques et des scénarios catastrophes, qui feront en sorte que l’interface supporte les cas problèmes tout en étant optimisée pour les cas » typiques « .
Je recommande aussi la mise sur pied d’un groupe pilote, composé autant de représentants novices que d’experts, qui suivra le projet dans son ensemble et participera à des séances de brainstorming (rigoureusement animées par vous – rappelez-vous que les utilisateurs ne sont pas des concepteurs) mais qui vous en apprendra beaucoup sur les cas typiques et moins typiques et sur les besoins de soutien des novices et les tactiques des experts.
4 – Testez, testez, testez encore!
Plusieurs tests successifs sur les prototypes précédemment identifiés vous permettront de trouver plus de 80% des irritants du système et de les régler dans les prototypes ultérieurs.
Combien de tests ? Allez, puisque vous voulez un chiffre, disons que quatre tests successifs devraient permettre d’amener le design à une bonne maturité.
Identifiez un échantillon représentatif de participants aux tests. Le groupe pilote sera votre première référence pour l’évaluation des prototypes: il pourra noter les améliorations ainsi que les régressions du système (cela peut très bien arriver).
Cependant, ce groupe ne devrait pas être l’unique référence pour l’évaluation de prototypes : il est bon aussi d’intégrer des gens qui n’ont pas participé au groupe pilote pour avoir des commentaires issus de ceux qui n’ont encore rien vu.
5 – Gérez le changement
Un nouveau système amène inévitablement son lot de changements dans la culture et les pratiques d’entreprise.
Un système de parrainage ou de mentorat où les gens du groupe pilote sont jumelés à d’autres pour un transfert d’expertise peut aider à réduire le potentiel de résistance au changement: vu qu’ils ont aidé à mettre le système sur pieds, ils sont plus motivés à faire en sorte que leurs pairs l’apprécient.
Mais le changement d’outil de travail doit se faire avec le plus grand souci du respect des gens possible. Les gens ne sont pas réfractaires au changement, mais ils veulent comprendre pourquoi on change leurs habitudes et qu’est-ce que cela va leur apporter de mieux dans leur travail.
Un bon design fera en sorte que cela soit évident à leurs yeux.
0 Commentaire(s)